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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/28

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CHAPITRE II

stuart avait résumé tout ce qui avait été dit. Elle était la grande dame réprimant l’esprit de province : « Il est tout ce que vous avez eu l’obligeance d’énumérer, Mesdames et chers Messieurs, sa parole est charmeresse, il danse divinement, monte à cheval tel le commandant en chef, son attitude est naturelle et imposante sans qu’il cesse un instant d’être le jeune gentleman anglais qu’il est. Alcibiade sortant des mains de Louis XIV, perruquier, ne pourrait le surpasser ; tout ce que vous voudrez ; je pourrais exceller sur vous en comparaisons sublimes, si j’étais tenté de l’analyser. Mais avez-vous seulement fait la remarque qu’il a une jambe ? »

Ainsi peut s’amplifier ce mot triomphant. Le triomphe de l’esprit. Et partout où l’on apprécie sa valeur, la société doit passer pour raffinée : c’est l’Arcadie atteinte par la voie de l’esthétique. Comme le fit remarquer Miss Eleonore Patterne à Lady Culmer, l’observation de Mrs Mountstuart n’était pas descendue à la jambe, elle remontait de la jambe à l’évaluation de toute la personne. Voilà qui est prosaïque. Arrêtez-vous un rien de temps sur le mot de Mrs Mountstuart et quelle sensation de luxe et de volupté ! À travers notre vénération endeuillée pour le martyr Charles, nous affirmions notre timide admiration pour la Cour de son Fils Joyeux, où la jambe régnait, rubannée de nœuds d’amour. Oh ! ce fut une Cour pervertie. Pourtant ce fut la période où le cavalier anglais était la grâce incarnée ; de manières gentilles,