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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/32

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CHAPITRE II

voulu rester en dessous de sa popularité. Si le choix. du peuple se fût porté sur la philosophie et que l’enthousiasme national fût allé aux philosophes, il aurait au moins écrit des livres. Il s’adonnait à la science et possédait un laboratoire. Mais dès sa jeunesse, sa passion fut le sport. Et l’émulation avait un tel empire sur lui qu’il ne se déclarait en amour que lorsqu’il se voyait des rivaux.

Cependant il s’applaudissait de sa constance. Jamais il ne découragea le sentiment que Lætitia Dale lui avait voué, non pas même quand il fut emporté dans le sillage de beauté de Constance Durham (que Mrs Mountstuart dénommait : « le cutter de course »). Lætitia, c’était la timide violette dont le parfum persiste.

Durant que les dispensateurs de l’adulation l’entouraient, la contenance de Willoughby pouvait se comparer à celle des dieux de l’Inde en butte à l’adoration mais dissemblablement, il ne reposait sur aucune ample assiette qui le préservât des traîtrises de l’ivresse. Il lui fallait continuer à se trémousser, à danser, se balançant, tête à droite, tête à gauche, s’adressant à ses adorateurs en termes choisis. Il est plus facile d’être une idole en bois qu’en chair, cependant Willoughby se montrait à la hauteur de sa tâche. En vertu de l’éducation donnée aux petits princes il savait qu’il était autre que vous, par l’acquis et par le don, il se mouvait à l’aise où vous auriez titubé. Lorsque de vieux Messieurs imposent