Aller au contenu

Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
CHAPITRE IV

faite de vous ; et vous devez continuer à la mériter, sinon que deviendrai-je ? Ainsi il l’amenait à vivre avec lui en bonne amitié. Entre femme, l’amitié se dénomme : « Platonisme » ; il dirait : « J’en ai ri dans le monde, mais le rire n’était pas dans mon cœur. Les affections platoniques mondaines sont vraiment risibles. Vous m’avez appris que l’idéal en amitié peut être atteint, si les deux sont capables d’une estime désintéressée. Le reste de la vie n’est que devoirs ; devoirs envers les parents, devoirs envers le pays. Mais l’amitié c’est la fête de ceux qui peuvent être amis. Des femmes il y en a en quantité. Mais je sais combien les amis sont rares. »

Lætitia avalait ses pensées à mesure qu’elles surgissaient. Pourquoi la torturait-il ? — pour se donner une fête ? Elle pouvait supporter son inconstance — elle y était habituée — supporter son indifférence, mais non pas qu’il s’amoindrît, elle en était appauvrie. Ce fut comme s’il exigeait d’elle un serment, quand il s’écria : « L’Italie ? Jamais je ne trouverai en Italie un moment comme celui de mon retour en Angleterre, jamais je n’y trouverai une joie aussi exquise que cette bienvenue que vous m’avez ménagée. Soyez sincère ! Dites-moi si je peux m’attendre à la même rencontre ? »

Il la pressait pour une réponse. Elle la fit aussi bonne qu’elle put. Il fut mécontent et pour l’engager à le rassurer, il féminisait son langage. Elle dut répliquer : « Je crains de ne pouvoir en faire un rendez-