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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/73

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L’ÉGOÏSTE

et grignotées, jusqu’à ce qu’elles connaissent un sexe aussi bien que l’autre et qu’elles sachent évaluer les phases du marché aussi bien que les hommes. Pures ? Peut-être ! Mais non pas innocentes. Décidément pas notre idéal féminin. Miss Middleton était différente, le véritable idéal, fruit du matin garanti par sa fleur.

Les femmes ne défendent point leurs jeunes sœurs quand celles-ci font ce qu’elles ont fait sans doute, lever un voile pour être vues, regarder dans un monde où l’innocence est une sécurité aussi précaire que la coiffe d’un enfant pour éviter un naufrage. Les femmes du monde ne pensent pas à blâmer cette sensuelle stipulation d’une fleur parfaite, d’une virginale pureté, qui se ressent de l’orientale origine de la maîtresse passion de leurs seigneurs. Mrs Mountstuart congratula Sir Willoughby du prix qu’il avait gagné en la belle Orientale d’Occident.

— Que je la voie ! disait-elle. Et Miss Middleton fut introduite et passée au crible de l’observation.

Elle avait la bouche qui, au repos, sourit. Les lèvres au centre de l’arc, se rencontraient pleines et s’amincissaient vers une fossette relevée ; les sourcils également ascendaient légèrement vers les coins extérieurs et semblaient, comme la lèvre dans la joue limpide, animer les tempes comme par un jet de lumière, ou l’ascension, à peine indiquée, d’un trait de couleur. Sans prétendre à la rigide régularité, ses