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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/124

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

remercier de sa générosité chevaleresque, pour ne pas porter atteinte à cette générosité même. Elle n’était, d’ailleurs, nullement gênée, et pour achever de la mettre à l’aise, Alvan fit appel à toute sa gaîté, à toute son affabilité naturelle. Aussi, au sortir de la pièce, se sentait-elle, malgré ses tristes pressentiments, plus que jamais attachée à lui.

Elle vit, à la porte de l’hôtel, une domestique de ses parents gravir le perron. C’était une femme d’un certain âge qui conta, à grand renfort de protestations de dévouement, que le général lançait toute la ville aux trousses de sa fille.

Clotilde lui dit où elle allait et se trouva, une demi-heure plus tard, dans le salon de Mme Emerly à qui elle venait de présenter Alvan. Elle conta son histoire et fit part de la tyrannie paternelle à son hôtesse qui lui témoigna sa sympathie et lui offrit asile.

Toute l’Allemagne connaissait Alvan. On le savait aussi libre en morale que révolutionnaire en politique, mais son grand air, son noble visage, sa parole éloquente et plus encore la preuve de respect qu’il donnait à sa fiancée et de déférence à sa famille, lui conquirent les bonnes grâces de la dame. Elle promit de faire tout son possible pour les amants. Ils se trouvaient, au surplus, dans une de ces situations romanesques auxquelles bien peu de femmes savent résister.

Mme Emerly n’eut pas longtemps à attendre pour donner la preuve de sa sincérité.

Un regard distrait sur la rue lui montra la mère et la sœur de Clotilde qui se dirigeaient vers sa demeure. Que faire ? S’agissait-il d’une visite fortuite ? Elle avertit Clotilde, qui poussa un cri d’angoisse, cependant qu’Alvan exultait :