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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/125

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

— C’est le ciel qui les envoie. Laissez-moi voir votre mère et lui parler. Il ne pouvait rien arriver de mieux.

Mme Emerly hocha la tête d’un air de doute, consulta Clotilde du regard, puis :

— Je crois plus prudent, opina-t-elle, d’affirmer, si on me le demande, que vous n’êtes point ici, et que j’ignore où vous vous trouvez.

— Oui, oui, supplia Clotilde ; faites cela.

Elle se tournait à demi vers Alvan, suspendue à ses lèvres et toute raidie d’angoisse.

— Non ! trancha l’homme, blessé dans son orgueil et dans sa vanité. Du jeu franc ; pas de subterfuges. Commencer par un misérable mensonge ? Non, Madame, je ne voudrais pas vous imposer, en notre faveur, le poids d’un mensonge mondain. Ce serait, d’ailleurs, de mauvaise politique. Oui, pis qu’un crime, une faute, comme disait l’honnête cynique. Nous allons descendre au-devant de Mme de Rüdiger et nous lui présenterons l’homme qui aspire à la main de sa fille.

Clotilde chancelait d’angoisse et son amie était fort troublée. Mieux qu’Alvan, elles savaient toutes deux ce que leur réservait cette entrevue. Mais fort de sa confiance en lui-même, l’homme leur imposa sa volonté.

Alvan et Clotilde nouèrent leurs mains pour descendre au salon de Mme Emerly. La jeune fille articula avec effort :

— Ne m’abandonnez pas !

— Ai-je l’air de vous abandonner ? L’accent profond de la question dictait la réponse.

— Oh ! Alvan… reprit-elle. Elle allait ajouter : « Prenez garde », mais sans lui en laisser le temps, il