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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/128

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

agressif et son regard se chargeait d’éclairs. Elle regarda le couple en face, puis :

— Que cet homme s’en aille ! Je ne souffrirai pas qu’il m’approche ! cria-t-elle.

Alvan s’avança :

— Dites-moi, Madame, au nom du ciel, ce que vous avez contre moi ?

Elle lui tourna violemment le dos :

— Allez-vous-en. Mon mari saura traiter un homme de votre espèce. Hors de ma vue, vous dis-je !

La brutalité de cet accueil galvanisa Clotilde. Elle alla vers Alvan, posa la main sur son bras et, se sentant, pour un instant, presque son égale, dit :

Allons-nous-en ; venez ; je ne souffrirai pas qu’on vous parle de la sorte. Personne ne vous traitera ainsi en ma présence.

Elle s’attendait à le voir, après un tel exorde, renoncer à une impossible tentative. Mais Alvan se contenta de presser la main de la jeune fille et déclara à Mme de Rüdiger qu’aucune parole sortie de sa bouche ne pouvait l’irriter.

— Rien ne me fera oublier que vous êtes la mère de Clotilde. La mère de la femme que j’aime peut me dire tout ce qu’elle voudra. Je supporterai tout.

— Un homme souillé de toutes les iniquités que le monde abhorre ! Le voir tenir ma fille par la main ! C’est trop abominable ! Et parce qu’il n’y a personne ici pour le châtier, il ose s’adresser à moi et me parler de sa sale passion pour ma fille. Je le répète : tout ce que vous avez à faire, c’est de vous en aller. Mes oreilles sont fermées. Libre à vous de m’exaspérer, de m’insulter ; vous ne me ferez pas bouger d’un pouce. Hors d’ici ! Elle