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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/131

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Le calme d’Alvan, l’énigme de ses paroles la glacèrent d’angoisse. Elle n’en répondit pas moins :

— Vous pouvez compter sur moi, mais, aussitôt révoltée de sa propre soumission, honteuse de se montrer trop asservie devant sa mère et, plus affreusement apeurée encore du rôle joué par Alvan, elle s’écria :

— Oui, j’obéirai ; je ferai tout ce que vous voudrez. Je suis à vous. Ordonnez-moi ce qui vous plaira, n’importe quoi, sauf de retourner chez ceux que j’appelais jusqu’ici mes parents ! Ah ! non, pas cela !

— C’est cela pourtant que je veux vous prier de faire, répondit Alvan dont le calme sourire s’accentua et se fit plus étrange, plus artificiel, plus indéchiffrable. Ce sacrifice suprême auquel vous pouvez vous plier en mon nom, êtes-vous prête à l’accomplir ? Dites !

Elle s’efforça de lire à travers le masque d’Alvan, mais ses yeux implorants ne purent le percer.

— Si vous avez le cœur de me le demander, si tel est réellement votre désir, soit ! acquiesça-t-elle. Mais songez à ce que vous faites. Oh ! Alvan, ne me renvoyez pas chez eux. Réfléchissez !

Il continuait à sourire d’intolérable façon. Il était décidé à gagner, à recevoir, et non à prendre, une épouse nantie de la bénédiction paternelle, une fille sans tache, un des brillants vases d’argent du monde.

— C’est pour moi, songez-y, pour me servir que vous ferez cela, répondit-il. Et maintenant, Madame, je vous rends votre fille. Vous le voyez, elle m’appartient bien ; elle m’obéit ; et c’est moi qui, pour un temps très bref, vous la rends. C’est parce