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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/132

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

que je l’en prie, ne l’oubliez pas, qu’elle retourne chez vous. Sur ce, Madame, j’ai l’honneur… Et il s’inclina profondément.

Puis, se tournant vers Clotilde, il la prit dans ses bras :

— Ce que vous faites, pour vous plier à mon désir, je ne l’oublierai jamais, mon amour. Et jamais je ne pourrai vous remercier assez. Je sais combien vous coûte une pareille soumission. Mais voici venue la fin de vos épreuves. Le reste me regarde. De tout votre cœur comptez sur moi. Obtempérez à leurs ordres, mais ne vous laissez pas opprimer. Soyez sûre que je saurai comment on vous traite et qu’au moindre acte d’injustice j’accourrai pour vous reprendre. Sentez cela et ne soyez pas malheureuse. On ne nous tiendra pas longtemps séparés. Soumettez-vous un instant à la volonté de vos parents : c’est la mienne, en définitive, qui sera la plus forte. Persuadez-vous que moi, votre fiancé, je ne puis échouer dans un de mes desseins, parce que je n’hésite jamais. Tenez-moi pour l’unique étoile de votre monde et gardez les yeux fixés sur moi. À bientôt. Patience ! Soyez fidèle, et nous ne ferons qu’un !

Il baisa des lèvres froides, pressa une main inerte. Le sublime affreusement vide de cette générosité apparut clairement à Clotilde, sous le regard méprisant de sa mère.

Alvan ouvrit les bras sans la quitter des yeux et elle resta debout, à demi morte, au milieu de la pièce. Elle comprenait pourtant qu’il venait de faire montre d’une suprême maîtrise et de donner une leçon à ses aristocrates de parents en leur montrant qu’il savait, au besoin, se plier à leurs us et