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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/138

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Sur ces entrefaites, elle entendit gratter à la porte. La femme de chambre en qui elle avait confiance apportait des nouvelles d’Alvan ; maîtresse et servante agenouillées contre la porte communiquèrent à travers le panneau. L’espoir palpita dans le cœur de Clotilde, cependant que les murmures s’échangeaient :

— Où est-il ?

— Parti.

— Mais où ?

— Il a quitté la ville.

Clotilde glissa sous la porte la missive destinée à son amie, mais garda celle qu’elle avait écrite pour Alvan. Blessée au vif par sa désertion, elle se donna pour raison qu’il ne servait à rien d’expédier une lettre à un homme sans adresse. Elle ne se demanda pas si son informatrice était de bonne foi : elle avait besoin de désespoir comme les épuisés ont besoin de repos.

Elle pleura toute la nuit : ce fut une de ces nuits où le torrent des larmes balaye en nous tout ce qui n’est pas diamant, à supposer que notre carcasse comporte une parcelle adamantine. Si elle pleurait avec une aussi délirante constance, c’est qu’elle sentait la nécessité de noyer cette pitié pour sa propre personne qui avait été l’aliment de son douloureux amour. Ceux qui ont du cœur pour la lutte ne pleurent pas de la sorte. Au matin, elle n’était plus qu’un fossé desséché de larmes : elle ne s’apitoyait plus sur son propre compte et se croyait indifférente ; en d’autres termes, elle ne se sentait plus de forces pour la lutte ; la réalité était trop forte !

Ses sœurs vinrent la supplier de céder : épousant