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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/158

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

résignation de la baronne devant la passion nouvelle d’Alvan. Il partageait ses doutes sur la noblesse de caractère de Clotilde, à qui le sentiment général n’était guère favorable. Mais la baronne et lui savaient qu’Alvan amoureux n’était pas homme à obéir aux conseils de prudence. Il hasarda pourtant une allusion aux bruits qui couraient sur la légèreté de Clotilde.

Alvan fit un signe d’acquiescement :

— Vous avez raison ; elle est tout ce que vous voulez ; vous ne pouvez, à son sujet, exagérer en bien ou en mal. Elle est unique, de quelque couleur qu’il vous plaise de la parer. Puis, sur un ton sentencieux :

— Elle a écrit cette lettre. Et après ? C’est son écriture, à n’en pas douter, et certain de cela, je ne voudrais pas qu’elle n’eût pas été écrite. Je l’aime, cette lettre.

Il semblait égaré par cet amour de l’horrible chose, mais recouvra bientôt son calme.

— La vérité sur Clotilde, c’est qu’elle a pour moi tout le charme. Elle est plastique entre mes mains. C’est un trésor que d’autres gâcheraient. Je fais d’elle ce que je veux : elle le sait et sait que de moi dépend son plein épanouissement. J’insuffle en elle toute l’âme de la femme. Quant à sa lettre… » Les mots semblaient, cette fois, lui brûler les lèvres… « libre à elle d’écrire. Elle est faible et flexible ; c’est un roseau. Elle… mais laissons-la en paix. Quand elle se comporte en bête, dites d’elle : « Elle est loin d’Alvan ! » Moi je lui pardonne, Sa lettre ne signifie que ceci : « Imbécile qui m’as laissée partir ! » Oui, voilà. Ses parents jouent aux tyrans et la traitent comme ils n’ont pas le droit de