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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/175

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

donc Clotilde de venir la voir le lendemain, entre telle et telle heure de l’après-midi, et promettait de s’abstenir de toute scène d’allure tragique.

Rien de plus.

Dans sa lettre, Clotilde avait fait un véritable effort pour écrire, et partant pour penser, en un admirable style d’innocence ingénue. Aussi la vilenie d’une réponse qui rejetait brutalement tout masque de désintéressement, lui apparaissait-elle comme la marque d’un cynisme abominable de la part d’une vieille dévergondée, autant que comme l’insolent refus du prétexte de décence offert à la vile créature par une jeune fille à l’âme de pâquerette.

Elle griffonna une seule ligne pour accuser réception de la lettre et signa de ses initiales.

— Odieuse femme ! dit-elle à son père, inclinant, à ce moment, à se ranger à son avis sur la baronne et sur Alvan. Elle rougissait d’avoir mis son espoir en cette femme et étouffait son désappointement sous une indignation véhémente, qui déformait, par contre-coup, l’image d’Alvan lui-même. N’avait-il pas remis, avec toute liberté d’action, l’affaire entre les mains de la plus exécrable des femmes ? Lui et elle ! À force de cajoleries et d’antiques artifices, la détestable vieille l’avait repris. Elle le tenait ferme à nouveau, en dépit — ou qui sait — peut-être à cause de ses viles habitudes. Elle fumait des cigares de soldat ; elle vivait tout le jour dans un nuage de tabac ; c’était chose notoire, et Clotilde n’avait pas eu besoin, pour être renseignée, des racontars paternels. Au moins voyait-elle, maintenant, quel ignoble torchon représentait cet étendard de l’indépendance féminine, cet inféminin en jupons, plus grossier