Aller au contenu

Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
LES COMÉDIENS TRAGIQUES

— Ils ne sont pas encore unis, objecta le colonel,

— Elle le tient par son plus mauvais côté. Sa correspondance avec moi, la lettre de prétentieuse péronnelle qu’elle m’a écrite pour excuser son insolence, la montre sous son vrai jour. Elle le pousse au pouvoir pour figurer à côté de lui sur la scène, mais elle ne l’incitera pas au travail pour consolider sa puissance. Elle pervertira ce qu’il y a de beau en lui par son empire sur son côté matériel, sur sa vanité, sur ses appétits voluptueux. Elle est de ces jeunesses qui, enhardies par une impunité relative, après un début timide, se font intrépides dans la dissipation, puis, quand le plaisir commence à leur paraître fade, s’abandonnent à une ambition effrénée. Elle le poussera au précipice ; elle le ruinera avant que les temps soient révolus. C’est un titan, ce n’est pas un dieu, bien qu’il semble divin à côté des autres hommes. Entre toutes mains, hélas, il se révélerait sous un jour trop sensuel. Mais cette fille-là éteindra en lui toute flamme de noblesse.

— Elle n’y montre guère d’inclination, fit observer le colonel.

— Devant vous. Mais quand ils se reverront| Je sais ce que peut la voix d’Alvan.

Le colonel émit des doutes sur la probabilité de cette rencontre.

— Elle aura lieu, un jour ou l’autre, fit la baronne, d’un ton rêveur. Il faudra bien qu’elle le revoie ; et alors, saura-t-elle lui résister ? Je changerais d’avis sur son compte, dans ce cas.

— Elle esquivera l’entrevue, opina Tresten, et à supposer même qu’elle l’accepte, je doute qu’il en sorte grand’chose. Il faudrait qu’ils se rencon-