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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/195

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

trent en plein champ et qu’Alvan ait une grande heure pour déployer ses grâces et enlever la demoiselle. Elle est impassible comme un cadran de pendule, et laisse tomber ses oui et ses non au sujet de notre ami, sans plus d’émotion que des tic tac de balancier. J’ai interpellé bien des sentinelles avancées qui n’étaient pas plus fortes sur les monosyllabes que cette jeune personne. Elle a une raideur militaire et répond en vous regardant dans les yeux ; cela ne la gêne pas le moins du monde de se laisser voir « telle qu’elle est », comme vous dites. Elle me toisait de la tête aux pieds, comme pour me mettre au défi de la mépriser. Alvan s’est laissé prendre à la couleur de ses cheveux : c’est une statue de glace, une statue sans passion. Elle lui joue la comédie, quand ils sont ensemble, et il est dupe de ses grimaces. Je me demande si elle a du sang dans les veines ? En tout cas, st elle en a, c’est un sang sans chaleur !

— Et il a obtenu du comte Hollinger un représentant pour soutenir ses droits ! s’écria la baronne. Hollinger n’est pourtant pas un sentimental, je vous en réponds, et ne se serait pas risqué à une démarche apparemment hostile aux Rüdiger, si Alvan ne l’avait houspillé de belle façon. Ce Dr Störchel, quelle espèce d’homme est-ce ?

Cet émissaire du comte Hollinger, si curieusement choisi comme arbitre légal dans une affaire de famille, était, à en croire Tresten, un doux légiste, sans idées ou sans intérêt en dehors de la loi, un bonhomme à lunettes, timide, cérémonieux, étranger aux passions. Le colonel amusa la baronne en lui contant l’entretien placide de Störchel et d’Alvan sur des articles du Code, et la terreur éberluée du