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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/198

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

que le montreur caressât certain gourdin, et ce geste, comme une clef de machine, mit l’animal en branle. Le nom de Hollinger m’a servi de baguette magique auprès du général. Je n’ai rien pu obtenir, ni provoquer son acquiescement à quoi que ce fût de sensé avant d’avoir invoqué Hollinger. Mais du coup, le général a fait montre d’une vivacité pareille à celle de l’ours ou du petit garçon qu’on fouette pour sa part du péché originel. Pauvre Clotilde ! Ils lui ont mené la vie dure, tous tant qu’ils sont, et pour la ramener, j’aurai besoin des deux heures que j’ai obtenues. Vous dites ? Tenez, je parie que j’y arrive en une heure. On a élevé autour d’elle une barricade serrée, et lui faudra un certain temps pour me bien distinguer à travers sa ligne de défense, mais une heure, c’est un siècle avec une femme. Clotilde ? Je parie que je la fais mettre à genoux en une demi-heure. Ces notions de devoir, de situation sociale et ces absurdes fiançailles avec ce roseau du Danube aux yeux d’idole hindoue, tout cela ne pèse pas plus qu’une bouffée de brume. Elle a été si bien à moi. Je jure de l’atteindre au cœur en dix minutes. Sinon, Madame, déclarez-moi incapable de conquérir une femme ou de rien comprendre aux faits positifs. J’affirme que je le ferai. Il faudrait être fou pour ne pouvoir inférer de précédentes expériences que ma voix, mes gestes, mon visage l’attireront vers moi, au premier signal, au premier regard. Je suis prêt à parier ma raison qu’elle accourra à moi sans me laisser ouvrir la bouche, sans me laisser faire un signe. Je promets de croiser les bras et de la regarder, simplement.

— Cette tâche de deux heures va donc s’accomplir, si je compte bien, en moins d’une demi-