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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/202

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

m’ont rendu apte à être son guide et son maître.

— Si elle… la baronne contint son exclamation et reprit : Elle a refusé de venir me voir. J’aurais découvert en elle le fond solide sur lequel asseoir la confiance. Vos Pyrrhas, vos Glycères et autres, ce ne sont pas des personnes sûres à qui un homme de notre temps puisse lier son existence. Le harnais est le harnais et un compagnon de joug frivole peut faire dévier une noble carrière.

— Mais je lui donne une âme, se récria Alvan. Je suis le vin et elle est la coupe de cristal. Elle l’a reconnu maintes et maintes fois. Vous la jugez telle qu’elle est loin de moi ; seule, c’est un roseau, une herbe folle, tout ce que vous voudrez ; elle n’a pas de résistance. Mais que je sois près d’elle, que nous nous trouvions ensemble, que je la tienne à portée de ma main, elle redeviendra partie de moi-même, de par cette magie que j’ai constatée à chacune de nos rencontres. Elle le sait bien.

— Trop bien, peut-être.

— Pourquoi ? Il fronça le sourcil,

— Pour vos chances de la revoir.

— Vous croyez possible qu’elle refuse ?

Un nuage passa sur le visage d’Alvan, puis une lueur livide. Il aspira avec effort.

— Dans ce cas, mettez le point final à mon histoire ; fermez le livre. Tout ce qui y est écrit est mensonge et je ne suis plus qu’un fantôme. Tous ses actes, jusqu’ici, je me les explique, mais je ne puis concevoir qu’elle refuse de me voir. De me voir quand je viens tout armé pour la réclamer. Refuser ? Mais j’ai accompli ma tâche ; j’ai fait ce que j’avais promis de faire. Je tiens ferme à mon