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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/204

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

moi, dans ce temps-là, qui répondrai d’elle ; je me porterai caution pour elle ; dès que je l’aurai près de moi, je garantis qu’elle sera à moi tout entière, de la tête aux pieds, répondant à l’appel comme un cheval de Cosaque. Je me crois aussi jeune à quarante ans que la plupart des jeunes hommes. Je lui promets quarante années encore de ferme travail. En douteriez-vous ?

— Je les saluerai avec ce que la paralysie laissera de force à mes quatre-vingt-dix, répliqua la baronne.

Alvan, avec un rire bref, s’excusa de son égoïsme ingénu ; il se compara au chasseur auquel l’appétit, aiguisé par la poursuite du chevreuil, ne laisse de pensées que pour le feu où cuit le festin.

— Oh ! hymen et hyménée ! fit-il en riant de se voir retomber dans sa faute, sous prétexte de s’en décharger. Je finirai par m’intéresser au trousseau ! J’ai débattu en moi-même, avec une acrimonie toute parlementaire, le choix des cadeaux de noce. Puisqu’elle est légalement libre de m’accorder sa main, — et il faudrait une tête de mule pour soutenir le contraire, — elle peut fixer à deux jours d’ici notre mariage et acheter son trousseau à Paris. Elle jouit de prendre les gens par surprise. Je crois que si je lui offrais de nous enfuir ensemble, elle aimerait mieux me rejoindre sur la route que de s’astreindre à désigner tranquillement le jour de la cérémonie ; dans le premier cas, c’est à moi qu’incomberait tout le poids de sa personne et de l’aventure, sans autre peine pour elle que de suivre une de ses impulsions ; et au contraire, il faudrait le meilleur orchestre de Berlin, jouant sans interruption, pour soutenir son courage, en face des