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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/236

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

XVIII

Dans la maison des Rüdiger, tout était en émoi. Clotilde, pour se soustraire à l’agitation générale, s’était enfermée dans sa chambre. Consciente d’avoir donné, en refusant l’entrevue sollicitée par Alvan, la consécration suprême à son obéissance filiale, elle se sentait, par réaction, en proie à une sourde révolte. Deux circonstances l’avaient aidée à tenir sa promesse et à donner une preuve définitive de soumission : l’une était la vue du visage rigide et exécré, des yeux de glace de Tresten, l’autre l’échappatoire éventuelle et l’amorce de liberté future qu’allait préparer sa lettre au Dr Störchel, l’émissaire du comte Hollinger. Pour que le petit homme ne pût se méprendre à ses intentions, elle avait fixé sur lui un regard expressif et cru voir s’embuer les verres de ses lunettes. Il était ému. C’était un ami, c’était l’ami qu’elle cherchait, l’allié venu du dehors, pour favoriser son évasion et correspondre avec Alvan. Elle n’avait plus qu’à lui écrire pour l’emprisonner dans sa belle et généreuse émotion. Par contraste avec le félon de Tresten dont la glaciale froideur excitait son esprit de provocation, le petit avocat timide semblait un envoyé