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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/238

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

surplus, et comme toutes les lettres implorantes, où, s’adressant à leur cœur, par terreur de leur cerveau, les femmes cherchent à séduire les hommes de loi par leur ingénuité et leur faiblesse féminine.

Elle traçait la suscription quand Marko Romaris se présenta à sa porte. C’était son allié le plus secret et le plus sûr : il savait son intention d’écrire au Dr Störchel et venait l’avertir que ce serait peine perdue. Singulièrement grave et pâle, tout différent de l’esclave joyeux qu’elle flattait au temps où elle se cherchait un tyran, il restait devant elle.

— Trop tard, fit-il, en désignant la lettre qu’elle tenait à la main. Le Dr Störchel est parti.

Elle ne pouvait en croire ses oreilles. Störchel lui avait déclaré qu’il allait rester trois jours en ville. Sa crédulité fut mise à plus rude épreuve encore par ce qu’ajouta Martko :

— Alvan vient de provoquer votre père en duel. Sur quoi, il tourna les talons, pour aller assister aux délibérations familiales.

Clotilde se pressa les tempes : un conflit d’idées obscurcissait son esprit : Alvan et un duel ! Alvan provoquant son père ; Alvan, le contempteur de l’inepte appel aux armes pour vider les affaires personnelles ! Elle se mit à courir par la maison, implorant de tous ceux qu’elle rencontrait nouvelles et explications. Mais son jeune frère était absent ; ses sœurs ne savaient rien et ses parents tenaient un conciliabule secret avec leurs amis. Le soir, Marko lui fit dire qu’elle pouvait dormir en paix ; les choses allaient s’arranger et son père avait quitté la ville.

Elle revint à sa solitude pour élucider l’obscure énigme de l’image d’Alvan réduite en pièces. Loin