Aller au contenu

Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
LES COMÉDIENS TRAGIQUES

celle qu’il aimait. Il représentait tout l’amour, la torche jamais éteinte de l’amour. Et il dépendait d’elle, pour le peu de vie qui semblait lui rester. À la face du ciel, il était innocent. Il était bon. La douleur de Clotilde l’avait plongée dans le néant, et du néant elle sortit glacée et exsangue, en songeant qu’elle pouvait faire le bonheur du noble jeune homme, le soigner dans ses derniers jours, trouver un rôle à remplir. Il lui serait de plus un refuge, au sortir de la maison paternelle. Elle ferma les yeux sur le passé, au nom de la bonté de Marko : la bonté, depuis son retour à la vie, c’était la vertu qu’elle prisait entre toutes, et peut-être croyait-elle que la seule alliance avec la bonté constituait une bonne action. Quelques mois plus tard, elle enterra le prince. De ce jour, ou peut-être, depuis le jour de son mariage, son cœur appartint tout entier à Alvan. Bien des années après, elle donna sa version personnelle de leur double histoire, sans s’épargner autant qu’elle le croyait elle-même. À la Providence, non plus qu’à ses parents, elle ne pardonna jamais. Mais comme nous lui devons quelque gratitude pour la leçon qu’elle nous donne, nous pouvons maintenant la laisser.