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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/27

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

ne pas connaître et n’avoir jamais écouté Alvan, — vous avez dit que Pompée semblait avoir été gratifié par les dieux de tous les dons pour rendre plus solennelle son immolation à César qui, lui, ne valait pas « le coup de dent d’une jolie femme ». Eh bien, écoutez ceci, et croyez bien ce que je vous dis : l’autre soir, à la table d’Alvan, une allusion à certain César moderne a fait dériver l’entretien sut le vrai César, et bientôt sur le Pompée de Plutarque, selon l’expression d’Alvan. Il en a dit précisément ce que vous venez de dire vous-même, dans les mêmes termes, sans omettre le mot du « coup de dent ». Je vous en donne ma parole. Et vous avez tant de phrases en commun : on dirait que vous êtes des associés en aphorismes. « Les barrières sont faites pour ceux qui ne volent point ». Voilà ce qu’affirme Alvan. Je multiplierais les exemples de ce genre, qui m’ont frappé pendant que nous causions.

— Il faut que je sois une plagiaire sans vergogne, fit Clotilde.

— À moins que ce ne soit lui, riposta le comte Kollin.

Laissons ici la place au chœur antique, pour expliquer que les idées précédentes flottaient dans l’air à cette époque. Des étincelles, jaillies de la forge du Vulcain politique et passées dans les écrits du temps, pouvaient avoir, à leur insu, frappé Alvan et Clotilde, qui en usaient, en toute bonne foi, comme d’épigrammes originales. Dans leur pays, la littérature, loin de se confiner à un étroit pâturage, envahit un large champ (mi-prairie et mi-marécage) du monde social. Leurs lectures les mettaient en relations de sympathie avec les penseurs et les