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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Mal faite à prêter une oreille complaisante, elle s’était plutôt accoutumée à imposer ses vues et à se faire écouter. Elle ne se souciait pourtant pas, pour l’instant, de prendre la parole, et trop bien élevée pour attirer sur elle l’attention générale, elle souhaitait moins encore déposséder l’orateur d’une tribune qu’il occupait si bien. Elle avait seulement soif de mêler sa voix à la sienne, et l’inconnue qu’elle était n’y pouvant prétendre par une approbation, elle attendait de tout son être un prétexte à dissentiment. Déclarer à un étranger : « Voilà qui est bien dit, monsieur ! » est plus difficile à une jeune fille que de se récrier : « Non, c’est une erreur ! » car l’intrusion, toute gratuite dans le premier cas, trouve au contraire, dans le second, son excuse dans la chaleur des sentiments heurtés. Au surplus, la contradiction sonne bien, tandis que l’approbation, murmure servile, fournit un piètre moyen de présentation. Clotilde attendait donc un motif plausible d’intervention. Elle brûlait de fièvre, sans trop se rendre compte cependant de l’aiguillon qui la piquait. La surexcitation l’arrachait à elle-même, comme on dit, et au vaisseau des conventions, pour la livrer aux flots de sa tumultueuse nature. Mais le causeur ne lui avait pas encore fourni de prétexte à dissentiment : contrainte à l’approbation, elle se sentait traînée, dans une soumission totale, derrière le char du vainqueur.

Parlant de l’action et de sa supériorité en politique, il illustrait sa thèse de faits historiques, tout au crédit des Français et au détriment des races anglaise et allemande qui inclinent plutôt vers le compromis. De l’Angleterre, il parlait comme d’une puissance finie, d’un peuple « tourné