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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/58

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

partagée, à l’assaut des derniers obstacles. Les parents de Clotilde ? Il prévoyait des difficultés de leur part. Mais qu’est-ce qu’une difficulté ? Une haie sur le champ de course, un adversaire sur la plateforme de combat, un nœud sous le fil d’une épée, une digue opposée aux flots du ciel. Sans préférer, cette fois, l’obstacle, car c’eût été préférer la lutte à la femme, il savourait à l’avance la perspective vivifiante d’une résistance vaincue comme une partie de la dot qu’elle lui apportait. De bons soldats, qui ont conquis leurs grades dans les batailles, sont souvent de tempérament pacifique et n’appelleraient jamais la guerre, si la vue de l’ennemi ne déchaînait leurs instincts combatifs, si le son des clairons ne mettait leur sang en feu et ne faisait d’eux des chevaux sur un champ de courses. Le démon intime d’Alvan se fût réjoui d’un combat qui lui eût assuré la possession de Clotilde, car la lutte donne au triomphe la saveur de la passion, et la victoire embellit la conquête. Il n’en était pas moins décidé à se plier, dans la mesure du possible, aux conventions de semblables rencontres et à faire céder violence et brutalité devant l’étiquette ; son triomphe, il le devrait à son ascendant personnel et à son éloquence convaincante.

À la question qu’il posait à Clotilde sur ses sentiments, elle répliqua : « Je me sens emportée par un centaure ! » Il rit, car ce n’était pas la première fois qu’ouvertement ou à mots couverts, on lui appliquait pareil terme.

— Non, fit-il pour chasser la nuée des souvenirs ; assez de cet homme quadrupède. Vous doutez-vous pourtant de la tentation à quoi vous