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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/71

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

elle venait de se livrer. Poursuivant sur un autre une recherche que devait seule interrompre sa propre souffrance, elle avait, tant que cette souffrance ne s’était pas manifestée, l’illusion d’opérer sur un cadavre. Du moment où l’exactitude de leur ressemblance lui causait un sursaut sous la pointe du scalpel, elle interrompait sa dissection et se faisait douce pour le sujet dont elle venait de surprendre la vie.

— Cet amour que vous éprouvez pour moi, Marko, est-il si profond ?

— Je vous aime.

— Vous me tenez pour ce qu’il y a de plus haut et de meilleur au monde ?

— Sans aucun doute.

— Vous m’aimez assez pour tout supporter de moi ?

— Mettez-moi à l’épreuve.

— Même l’infidélité ?

— Vous seriez vous-même !

— Ne dites-vous pas cela faute de pouvoir, en moi, soupçonner le mal ?

— Que je vous voie seulement.

— Vous êtes bien sûr que le bonheur n’étoufferait pas votre amour ?

— L’a-t-il éteint déjà ?

— Vous supporteriez de me voir danser à la musique de cet homme ?

— Ah ! ciel ! la musique ! Ne dites pas cela ! Mais si, je supporterais tout.

— Et si vous étiez témoin de sa puissance sur moi, du pouvoir de son seul souffle ?

— Je… Ah !

— Quoi ? Et si vous voyiez sa musique m’ensorceler, dès les premières notes du prélude ?