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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/84

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

— Vrai ?

— Vérité pure, comme vous le verrez. Ainsi donc vous êtes venue, vous m’avez trouvé ! Je veux être traité de manchot si je vous laisse échapper, cette fois !

— Deux désirs font une volonté, selon vous.

Il lui répondit par une explosion d’enthousiasme.

Que la jeune fille eût cherché à le revoir c’était, à ses yeux, le signe d’une capitulation qu’il était prêt à payer d’un dévouement absolu. Cette venue aplanissait toutes les difficultés.

Clotilde le présenta à la ronde, et il fut enrôlé dans la petite troupe. On eût dit d’un homme à qui le sphinx vient de parler. Ils gravirent ensemble les derniers étages de la montagne et atteignirent un second caravansérail, d’où l’on voit, dans la grisaille du matin, émerger de singulières gens enveloppés de couvertures et de bonnets de nuit, pour assister à la naissance de l’astre du jour et recevoir son premier salut.

Alvan suivait lentement, à côté de Clotilde, le chemin de montagne. Il disait :

— Deux désirs ! Le mien était dans votre cœur, et vous l’avez marié au vôtre. Enfin, nous voici réunis en un seul ! Ne parlons plus du temps perdu. Mon désir, à moi, suffit presque, à lui seul, à faire une volonté, n’est-ce pas ? Et il a si bien cajolé le vôtre, que la dormeuse s’est éveillée et que la source a jailli de terre. Unies maintenant, nos deux volontés peuvent bien mettre le monde au défi de nous séparer. Comment y parvenir ? Mon désir est votre destinée ; le vôtre, la mienne. Nous ne faisons qu’un.