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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/17

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aurait suffi pour les détruire. C’est ainsi qu’Assuérus avait conçu le massacre des Juifs.

Cependant nous lisons que les premiers ordres du roi pour massacrer les protestants sont datés du 28 août, c’est-à-dire quatre jours après la Saint-Barthélemy, et lorsque la nouvelle de cette grande boucherie avait dû précéder les dépêches du roi et donner l’alarme à tous ceux de la religion.

Il eût été surtout nécessaire de s’emparer des places de sûreté des protestants. Tant qu’elles restaient en leur pouvoir, l’autorité royale n’était pas assurée. Ainsi, dans l’hypothèse d’un complot des catholiques, il est manifeste qu’une des plus importantes mesures aurait été de s’emparer de La Rochelle le 24 août, et d’avoir en même temps une armée dans le midi de la France, afin d’empêcher toute réunion des réformés [1].

Rien de tout cela ne fut fait.

Je ne puis admettre que les mêmes hommes aient pu concevoir un crime, dont les suites devaient être si importantes, et l’exécuter si mal. Les mesures furent si mal prises en effet, que quelques mois après la Saint-Barthélemy la guerre éclata derechef, que les réformés en eurent certainement toute la gloire, et qu’ils en retirèrent même des avantages nouveaux.

Enfin l’assassinat de Coligny, qui eut lieu deux jours avant la Saint-Barthélemy, n’achève-t-il pas de réfuter la supposition d’un complot ? Pourquoi tuer le chef avant le massacre général ? N’était-ce point le moyen d’effrayer les huguenots et de les obliger à se mettre sur leurs gardes ?

Je sais que quelques auteurs attribuent au duc de Guise seul l’attentat commis sur la personne de l’amiral ; mais, outre que l’opinion publique accusa le roi de ce crime [2], et que l’assassin en fut récompensé par le roi, je tirerais encore de ce fait un argument contre la conspiration. En effet, si elle eût existé, le duc de Guise devait nécessairement y prendre part ; et alors pour-

    million cinq cent mille ; mais ils avaient proportionnellement plus de richesses, plus de soldats et plus de généraux.

  1. Aux secondes guerres civiles, les protestants s’emparèrent le même jour, et par surprise, de plus de la moitié des places fortes de France. Les catholiques pouvaient en faire de même.
  2. Maurevel fut surnommé le tueur du roi. Voyez Brantôme.