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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/196

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CHAPITRE XXII.

LE VINGT-QUATRE AOÛT.


« Saignez ! saignez ! »
Mot du maréchal de Tavannes.


Après avoir quitté sa compagnie, le capitaine George courut à sa maison, espérant y trouver son frère ; mais il l’avait déjà quittée après avoir dit aux domestiques qu’il s’absentait pour toute la nuit. George en avait conclu sans peine qu’il était chez la comtesse, et il s’était empressé de l’y chercher. Mais déjà le massacre avait commencé ; le tumulte, la presse des assassins, et les chaînes tendues au milieu des rues l’arrêtaient à chaque pas. Il fut forcé de passer auprès du Louvre, et c’était là que le fanatisme déployait toutes ses fureurs. Un grand nombre de protestants habitaient ce quartier, envahi en ce moment par les bourgeois catholiques et les soldats des gardes, le fer et la flamme à la main. Là, selon l’expression énergique d’un écrivain contemporain [1], le sang courait de tous côtés cherchant la rivière, et l’on ne pouvait traverser les rues sans courir le risque d’être écrasé à tout moment par les cadavres que l’on précipitait des fenêtres.

Par une prévoyance infernale, la plupart des bateaux qui d’ordinaire étaient amarrés le long du Louvre avaient été conduits sur l’autre rive ; de sorte que beaucoup de fugitifs qui couraient au bord de la Seine, espérant s’y embarquer et se dérober aux coups de leurs ennemis, se trouvaient n’avoir à choisir qu’entre les flots ou les hal-

  1. D’Aubigné, Histoire universelle.