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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/259

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Châteaufort siffla sans répondre.

— Elle est donc amoureuse de vous ?

Châteaufort sifflait toujours.

— Elle vous l’a dit ?

— Mais… cela se voit, ce me semble.

— Comment ?… dans cette lettre ?

— Sans doute.

Ce fut le tour de Perrin à siffler. Son sifflet fut aussi significatif que le fameux Lillibulero de mon oncle Toby.

— Comment ! s’écria Châteaufort, arrachant la lettre des mains de Perrin, vous ne voyez pas tout ce qu’il y a de… tendre… oui, de tendre là-dedans ? Qu’avez-vous à dire à ceci : Cher monsieur ? Notez bien que dans un autre billet elle m’écrivait monsieur, tout court. Je vous aurai une double obligation, cela est positif. Et voyez-vous, il y a un mot effacé après, c’est mille ; elle voulait mettre mille amitiés, mais elle n’a pas osé ; mille compliments, ce n’était pas assez… Elle n’a pas fini son billet… Oh ! mon ancien ! voulez-vous par hasard qu’une femme bien née comme madame de Chaverny aille se jeter à la tête de votre serviteur comme ferait une petite grisette ?… Je vous dis, moi, que sa lettre est charmante, et qu’il faut être aveugle pour ne pas y voir de la passion Et les reproches de la fin, parce que je manque à un seul jeudi, qu’en dites-vous ?

— Pauvre petite femme ! s’écria Perrin, ne t’amourache pas de celui-là : tu t’en repentirais bien vite !

Châteaufort ne fit pas attention à la prosopopée de son ami : mais, prenant un ton de voix bas et insinuant : Savez-vous, mon cher, dit-il, que vous pourriez me rendre un grand service ?

— Comment ?

— Il faut que vous m’aidiez dans cette affaire. Je sais que son mari est très-mal pour elle, — c’est un animal qui la rend malheureuse vous l’avez connu, vous,