Aller au contenu

Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la musique que vous avez pris la peine de copier pour moi. Elle est ravissante, et il faut toujours admirer votre goût. Vous ne venez plus à nos jeudis ; vous savez pourtant tout le plaisir que nous avons à vous voir. »

— Une jolie écriture, mais bien fine, dit Perrin en finissant. Mais diable ! son dîner me scie le dos ; car il faudra se mettre en bas de soie, et pas de fumerie après le dîner !

— Beau malheur, vraiment ! préférer la plus jolie femme de Paris à une pipe !… Ce que j’admire, c’est votre ingratitude. Vous ne me remerciez pas du bonheur que vous me devez.

— Vous remercier ! Mais ce n’est pas à vous que j’ai l’obligation de ce dîner… si obligation il y a.

— À qui donc ?

— À Chaverny, qui a été capitaine chez nous. Il aura dit à sa femme : Invite Perrin, c’est un bon diable. Comment voulez-vous qu’une jolie femme que je n’ai vue qu’une fois pense à inviter une vieille culotte de peau comme moi ?

Châteaufort sourit en se regardant dans la glace très-étroite qui décorait la chambre du commandant.

— Vous n’avez pas de perspicacité aujourd’hui, papa Perrin. Relisez-moi ce billet, et vous y trouverez peut-être quelque chose que vous n’y avez pas vu.

Le commandant tourna, retourna le billet et ne vit rien.

— Comment, vieux dragon ! s’écria Châteaufort, vous ne voyez pas qu’elle vous invite afin de me faire plaisir, seulement pour me prouver qu’elle fait cas de mes amis… qu’elle veut me donner la preuve… de…

— De quoi ? interrompit Perrin.

— De… vous savez bien de quoi.

— Qu’elle vous aime ? demanda le commandant d’un air de doute.