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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/278

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Ici la dame qui écoutait ce récit de la mésaventure de Darcy conseilla fortement l’usage du kalydor, dont elle s’était bien trouvée après une maladie qui lui avait fait perdre beaucoup de cheveux. Elle passait ses doigts, en parlant, dans des boucles nombreuses d’un beau châtain cendré.

— Est-ce que M. Darcy est resté tout ce temps à Constantinople ? demanda madame de Chaverny.

— Pas tout à fait, car il a beaucoup voyagé : il a été en Russie, puis il a parcouru toute la Grèce. Vous ne savez pas son bonheur ? Son oncle est mort, et lui a laissé une belle fortune. Il a été aussi en Asie mineure, dans la… comment dit-il ?… la Caramanie. Il est ravissant, ma chère ; il a des histoires charmantes qui vous enchanteront. Hier il m’en a conté de si jolies, que je lui disais toujours : Mais gardez-les donc pour demain ; vous les direz à ces dames, au lieu de les perdre avec une vieille maman comme moi.

— Vous a-t-il conté son histoire de la femme turque qu’il a sauvée ? demanda madame Dumanoir, la patronnesse du kalydor.

— La femme turque qu’il a sauvée ? Il a sauvé une femme turque ? il ne m’en a pas dit un mot.

— Comment ! mais c’est une action admirable, un véritable roman.

— Oh ! contez-nous cela, je vous en prie.

— Non, non ; demandez-le à lui-même. Moi, je ne sais l’histoire que de ma sœur, dont le mari, comme vous savez, a été consul à Smyrne. Mais elle la tenait d’un Anglais qui avait été témoin de toute l’aventure. C’est merveilleux.

—, Contez-nous cette histoire, madame. Comment voulez-vous que nous puissions attendre jusqu’au dîner ? Il n’y a rien de si désespérant que d’entendre parler d’une histoire qu’on ne sait pas.

— Eh bien, je vais vous la gâter ; mais enfin la voici