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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/301

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— Je viens de vous dire qu’il est impossible d’en avoir en pays étranger. J’en avais laissé deux en France. L’un est mort ; l’autre est maintenant en Amérique, d’où il ne reviendra que dans quelques années, si la fièvre jaune ne le retient pas.

— Ainsi, vous êtes seul ?…

— Seul.

— Et la société des femmes, quelle est-elle dans l’Orient ? Est-ce qu’elle ne vous offre pas quelques ressources ?

— Oh ! pour cela, c’est le pire de tout. Quant aux femmes turques, il n’y faut pas songer. Des Grecques et des Arméniennes, ce qu’on peut dire de mieux à leur louange, c’est qu’elles sont fort jolies. Pour les femmes des consuls et des ambassadeurs, dispensez-moi de vous en parler. C’est une question diplomatique ; et si j’en disais ce que j’en pense, je pourrais me faire tort aux affaires étrangères.

— Vous ne paraissez pas aimer beaucoup votre carrière. Autrefois vous désiriez avec tant d’ardeur entrer dans la diplomatie !

— Je ne connaissais pas encore le métier. Maintenant je voudrais être inspecteur des boues de Paris !

— Ah Dieu ! comment pouvez-vous dire cela ? Paris ! le séjour le plus maussade de la terre !

— Ne blasphémez pas. Je voudrais entendre votre palinodie à Naples, après deux ans de séjour en Italie.

— Voir Naples, c’est ce que je désirerais le plus au monde, répondit-elle en soupirant,… pourvu que mes amis fussent avec moi.

— Oh ! à cette condition, je ferais le tour du monde. Voyager avec ses amis ! mais c’est comme si l’on restait dans son salon tandis que le monde passerait devant vos fenêtres comme un panorama qui se déroule.

— Eh bien ! si c’est trop demander, je voudrais voyager avec un… avec deux amis seulement.