Page:Merlant - Bibliographie des œuvres de Senancour, 1905.djvu/48

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siècles une nouvelle domination. Avant que la chaleur et les eaux se perdent sur le globe, longtemps avant peut-être, ce que doit accomplir la parole humaine finira. La parole écrite fut solennelle en Orient ; la parole imprimée est plus positive et plus vigilante sur d’autres rivages. Celle des navigateurs va rendre presque uniforme la civilisation des peuples (persistance d’une illusion du XVIIIe siècle). Lorsque les chemins, les écluses, les défrichements seront innombrables, le travail sera-t-il achevé ? Ne le décidons pas. Mais s’il est achevé Vouvrier disparaîtra. Sommesnous ici pour jouir de notre œuvre ? Le sort des générations calmées différcrait trop de celui des anciennes générations inquiètes. »

Enfin, cette page qui paraît bien être une interprétation philosophique du christianisme, — et comme la psychologie des sentiments qui rendent possible la croyance chrétienne W) : « Souvent même, cédant au besoin naturel d’un noble appui, nous aimons à supposer notre raison représentée dans l’inconnu par une intelligence subordonnée comme nous, mais étrangère aux vicissitudes humaines. Ce guide spécial, toujours prêt à nous avertir ou à nous désabuser, ce génie tutélaire rendra moins effrayante la distance qui nous sépare de la source de toute protection. Il nous soutient peut-être et il nous préserve de notre ruine pour nous ménager quelque moyen de bien faire ; en se laissant entrevoir comme un modèle, il semble, nous rapprocher de la perfection invisible. — Ainsi… capables du moins de la recherche du vrai durant nos journées inquiètes, nous nous avancerons vers ce qui subsiste… » 30e. De la main de Sénancour : « Dernière conclusion. » «… La contemplation de la merveille sans bornes ? Cette attente paraît démesurée. Néanmoins elle reste en nous comme une grande promesse et nous y croyons devant Dieu. Par une suite des différents dons que chacun reçoit, j’ai laissé le doute qui aveugle, le doute aride. J’ai aimé celui qui au-dessus de l’incertitude, en pesant toutes les vraisemblances, maintient les principes. J’ai osé choisir ce partage trop difficile pour ma faiblesse et je sais que peu d’hommes m’écouteront. Mais dans quelque situation que je me sente vivre, je t’invoquerai, ô Vérité ! »