Page:Merlant - Bibliographie des œuvres de Senancour, 1905.djvu/49

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Voici une note inédite qui montre bien à quel point Sénancour craignait d’être confondu avec les catholiques. Elle fait partie des observations soumises à l’Académie des Sciences morales (1832), devant laquelle Sénancour avait posé sa candidature.

« Dans la notice qui a été mise sous les yeux des membres de l’Académie, il est dit que le livre des Libres Méditations (encore fortement retouché depuis l’édition récente) a pour objet de ramener à de pures idées religieuses un certain nombre d’esprits élevés. Ce dessein trop grand pour des forces individuelles serait digne, ce semble, de l’approbation de l’Académie, et trouverait dans son assentiment du moins tacite un appui inappréciable. C’est pour cela même que je ne dois laisser aucune incertitude sur ce que j’entends par ces mots : réconcilier avec les véritables idées religieuses. Je ne voudrais ni être approuvé par erreur, ni d’un autre côté être soupçonné de tendance secrète, d’arrière-pensée, d’esprit de parti. J’observe donc, pour ceux de qui je n’ai pas l’avantage d’être connu, que je n’insiste qu’en faveur des notions religieuses indépendantes de tout dogme et de tout système sacerdotal W. Celles-là n’ont rien de contraire à la sagesse dans tous les siècles. Les générations présentes ne veulent plus d’imposture : mais s’ensuitil qu’elles doivent rejeter de libres et nobles inspirations ? A cet égard, c’est dans les conjectures impartiales et dans l’espérance, c’est dans les aperçus hardis et dans le doute philosophique, que se trouve la profondeur. Cette élévation de la pensée ôterait de degrés en degrés tout crédit aux doctrines superstitieuses, et perfectionnerait dans le sens moral ou même politique les sociétés humaines. »

(1) Cette phrase a été citée par J. Levallois, p. 187.