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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/141

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Mire ta face pâle à l’onde des fontaines,
Ô sœur, dans ces jardins consacrés à la mort.
Trembles-tu, comme moi, de craintes incertaines
À cette heure où le vent dans les bosquets s’endort ?

C’est la saison du renouveau des chrysanthèmes,
Fleurs des regrets tardifs, des remords et du deuil.
J’ai presque peur, amie, en pensant que lu m’aimes
Et que bientôt l’hiver neigera sur mon seuil.

Lève tes yeux vers moi, tends tes lèvres aux miennes,
Et d’un geste secret, sœur, donne-moi tes mains.
Pitié ! Je songe trop à des douleurs anciennes
Et qu’un nouvel automne attriste les chemins.

Pitié ! Puis-je savoir combien de temps encore
Nous marcherons ainsi, l’un à l’autre liés ?
Qui de nous va mourir entre l’ombre et l’aurore ?
Ô les chants et les fleurs des printemps oubliés !

Parfois je crois sentir — effroi des bois funèbres ! —
La présence d’un dieu qui nous suit dans le soir.
Quel signe à notre amour tendra-l-il des ténèbres,
L’amarante pourprée ou l’asphodèle noir ?