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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/191

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Mais parce qu’en la mort la mémoire est si brève,
Combien on doit souffrir ! De celle que j’aimai
Que me restera-t-il aux fleurs du prochain mai ?
L’ombre d’une ombre, hélas ! et le rêve d’un rêve !

Encore un peu d’émoi dans cette âme qui dort,
Et ce sera l’oubli de ce qui fut le monde,
Des parfums dans le vent, des aurores sur l’onde
Et de la voix d’amour qui supplia le Sort.

Je ne serai bientôt que cendre en les ténèbres.
Ô Mort, ainsi soit-il, puisque la loi le veut !
Je ne le maudis pas comme celui qu’émeut
La crainte de blêmir sous tes lampes funèbres.

Je sais que tout hiver prépare un renouveau,
Que la saison d’azur suivra la saison grise,
Et qu’une graine chue au hasard de la brise
Fait éclater un jour les portes du tombeau.

Je mets ma foi dans l’œuvre obscure des années.
Aussi ne priez pas, amis, autour de moi.
Aucun appel, fût-il d’espérance ou d’effroi,
N’a jamais pu fléchir les vieilles destinées.