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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/195

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Que les formes sans fin d’une identique loi
Qui relie au soleil le sort du moindre atome.

Aussi, quoique j’aurai vécu sans dieu ni foi,
Assuré que le monde entier n’est qu’un fantôme
Qui s’évanouira quand mes yeux s’éteindront
Dans l’horreur des douleurs et la flamme des fièvres,
Je sais que la pensée enclose sous ce front,
Les gestes de ces mains, le souffle de ces lèvres
Auront un éternel écho dans l’inconnu,
Et que je revivrai, malgré ma chair dissoute,
Dans les chants d’un poète après moi survenu,
Et dans l’élan d’espoir qui lance sur la route,
En quête du bonheur, les âpres vagabonds,
Et dans la volonté du prophète qui rêve
D’arracher des moissons aux rochers inféconds,
Et qui voudrait, moisson de l’âme, que se lève
De tous les cœurs humains le blé pur de l’amour.

Car rien ne se perdra, ni la moindre parole,
Ni le moindre rayon épars au point du jour,
Ni la moindre semence au cœur de la corolle.
Tout se retrouvera pour le pire ou le mieux
Dans le charnier de deuil ou le jardin de gloire,