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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/198

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La Nature chantait de toutes ses voix, chœur
De la terre et des cieux dont s’éjouit le cœur
Après l’interminable hiver et son silence.
Sur un lys, goutte d’or sur l’argent d’une lance,
Une abeille immobile était posée. Au loin
L’on entendait crier ceux qui tournent le foin,
Et parfois un lézard furtif, dressant la queue,
Rayait d’un vert éclair le mur à l’ombre bleue.

Là, maternelle au bord du fleuve, la maison
Où s’abrite ma vie en la belle saison
Regardait de sa porte et de ses cinq fenêtres
La lointaine forêt de chênes et de hêtres,
Les champs d’avoine verte où l’on voit des remous,
Les saules éplorés, les trembles toujours fous,
Et près des bords vaseux dont l’homme craint les fièvres,
Tous les sombres roseaux où Pan pose ses lèvres.

J’étais sûr de la paix dans le petit enclos.
Je n’avais qu’à laisser passer, auprès des flots
Du fleuve ensoleillé, les heures sur mon âme.
Les fleurs devenaient fruits sous la croissante flamme
Du printemps, puis les gars, les bras lourds d’épis d’or,
Sur l’aire de la plaine entassaient leur trésor,