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Page:Merrill - Une voix dans la foule, 1909.djvu/36

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Dans les villages gais de l’espoir des récoltes
Les vieillards célébraient les bienfaits de la paix,
Et, le soir, sur les cours aux platanes épais,
Faisaient chanter mon peuple ignorant les révoltes.

Je ne sais plus le nom de ce trop beau pays ;
Mais les fleurs y semblaient plus qu’ailleurs parfumées,
Les nids plus lourds aux bois, les filles mieux aimées,
Et les secrets du cœur n’y étaient point trahis.

Pour remercier le ciel de leur béatitude,
Les mères consacraient leurs enfants au soleil
Dans des lieux où venait en paisible appareil,
Échangeant des baisers, la blanche multitude.

On ne les voyait pas, le sein gonflé de pleurs,
Pâlir au rouge appel des clairons de la guerre ;
Le sang n’arrosait pas les blés de cette terre,
La marche des soldats n’y foulait pas les fleurs.

Les amants s’endormaient sans crainte de désastres
Et leur réveil riait dans leurs regards contents ;
La vie était pour eux un long jour de printemps
Et la mort leur semblait une nuit pleine d’astres.