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Page:Meschinot - Les Lunettes des Princes.djvu/12

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III
ET LES LUNETTES DES PRINCES

François II, et de la duchesse Anne, devenue reine de France. Il fit valoir ses talents poétiques à la cour, dans l’élite de beaux esprits qu’Anne de Bretagne avait su grouper autour d’elle. On le trouve honoré de la confiance de Guillaume de Crouÿ, le gouverneur de Charles-Quint, qui lui commanda des vers sur la mort de madame de Bourgogne, de l’estime des deux Marot, et de l’amitié de Georges Chastelain, le célèbre chroniqueur bourguignon, qui lui donnait des refrains ou princes de ballades. Il ne semble pas que ces fréquentations illustres et la protection des princes l’aient beaucoup enrichi; voici un douzain où il se représente vieux et indigent :

J’ay eu robes de martres et de bievre,
Oyseaulx et chiens à perdris et à lievre;
Mais de mon cas c’est piteuse besongne.
S’en celuy temps je fus jeune et enrievre,
Servant dames à Tours, à Meun sur Hievre,
Tout ce qu’en ay rapporté c’est vergongne.
Vieillesse aussi, rides, toux, boutz et rongne.
Et mémoire qu’il faut que mort me pongne,
Dont j’ay accès trop plus maulvais que fievre.
Car je congnois que tout plaisir m’eslongne.
Et à la fin que verité tesmongne :
Je me voy nud de sens comme une chievre.

Il continue sur ce ton de plainte :

Mes maistres morts, mon honneur est dechu,
Et tout malheur m’est en partage eschu.