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Page:Meschinot - Les Lunettes des Princes.djvu/25

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LES LUNETTES

C’est assez mal pour yssir hors du sens,
Car j’apperçoy clerement, voy et sens
Tous les plus grans, les moyens et menus
Que chascun jour y voire à milliers et cens,
Mort tire à soy violentement, sans
En avoir eu oncques pitié de nulz,
Veu que mesmes au monde venons nudz
Et que trop peu y sommes retenuz,
Huy nous voyans presens, demain absens,
Et si n’en est gueres de devenuz
Jusques au temps d’estre vieilz et chanus !
A cestuy cas pas bien je ne m’assens.

Se ma langue d’en parler trop s’avance.
Pardonnez moy, pour Dieu, ma nonsçavance.
Car desplaisir me contraint de le faire.
Par tresgriefve et dure appercevance
De ceste mort qui pas d’huy ne commence
A nature suffoquer et défaire.
Las ! nous voyons que c’est tout son affaire
De destruire ce que jamais refaire
Ne peut nulluy, pour aucune sçavance
Qu’il ayt de Dieu, lequel peut tout parfaire :
Dont je ne puis le joyeulx contrefaire,
Considérant tant piteuse grevance.