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Page:Meschinot - Les Lunettes des Princes.djvu/24

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DES PRINCES

O misérable et tresdolente vie
Qui en nul temps ne peult estre assouvye
De biens mondains dont n’avons que l’usaige,
Car, quant aulcun de nous meurt ou desvie
(Prenons qu’il ayt louenge desservie
Et bien gardé richesses davantaige),
Il laisse tout quant ce vient au passaige,
Riens n’emporte : pource n’est-il pas saige
Qui en Dieu n’a sa pensée ravye ;
Sans luy sommes de mort le vray ymaige,
Et l’ennemy de tout humain lignaige
Par chascun jour en enfer nous convie.

O gens aveugles, gens sours, mutz, insensibles,
Gens sans amours, à nous mesmes nuisibles.
Qui ne tendons fors à dampnation,
Gens orgueilleux plus que lyons terribles,
Ha! tant nos faictz damnables sont visibles
A ceux qui ont ymagination ;
Douloureuse, meschante nation.
Qui sommes plains d’habomination
Et de toutes corruptions possibles,
Peu demourans en domination ;
Et quant se vient l’exanimation,
La mort nous rend trespuans et orribles.