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CHEZ LAVOISIER


INTRODUCTION


Le discours préliminaire qui ouvre le Traité élémentaire de Chimie présenté dans un ordre nouveau et d’après les découvertes modernes est un manifeste révolutionnaire qui attire et retient constamment la pensée du lecteur ; Lavoisier déclare tout d’abord n’avoir eu d’autre but que de donner plus de développement à son mémoire de 1787 sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie. Mais, ajoute-t-il bientôt, « tandis que je croyais ne m’occuper que de nomenclature, tandis que je n’avais pour objet que de perfectionner le langage de la chimie, mon ouvrage s’est transformé insensiblement sans qu’il m’ait été possible de m’en défendre en un traité élémentaire de chimie ».

Un tel élargissement de problèmes apparemment purement techniques, qui aurait pu surprendre autrefois, est la conséquence directe des principes posés par Condillac dans la logique et dans ses autres écrits ; puisque nous ne pensons qu’avec le secours des mots, que les langues sont de véritables méthodes analytiques, que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite, quoi d’étonnant à ce que le renouvellement de la nomenclature chimique proposé d’abord par Guyton de Morveau puis résolu par la haute autorité de Lavoisier, quoi d’étonnant dis-je, à ce que ce renouvellement que l’on aurait pu croire anodin, devienne entre les mains de chercheurs de grande valeur, l’instrument d’un renouvellement ou si l’on préfère d’une rénovation de la science.

Ajoutons immédiatement que Lavoisier — qui trouvait l’histoire inintéressante et fastidieuse, qui ne s’intéressa à l’historique des découvertes concernant les corps gazeux que pour fixer la gloire des grands hommes et résoudre devant la postérité quelques irritants problèmes de priorité, qui d’ailleurs fut très sobre de citations et de mentions élogieuses concernant ses prédécesseurs et contemporains, — Lavoisier n’hésita pas à rendre un hommage public à Condillac pour lequel il professait une grande admiration, et sous le patronage duquel il plaça résolument la « révolution chimique » elle-même.

N’est-ce pas Condillac qui nous a appris à nous défier des hypothèses séduisantes et élégantes résultant de notre imagination ou