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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

Mais si le travail fécond résulte du contact de l’esprit actif et des faits provoqués partiellement par la spontanéité des recherches, il doit en résulter que le vieil idéal scolastique d’une pédagogie parfaite qui veut distribuer hiérarchiquement et à leur heure les thèmes principaux concernant la philosophie de la matière ne pourra être appliqué. Les thèmes qui se renouvellent et se heurtent continuellement les uns aux autres, Lavoisier les a constamment utilisés et jamais isolés. Nous les exposerons dans un ordre factice et nous ne nous excuserons pas de cela, car si nous agissions autrement nous fausserions la doctrine dont nous nous sommes proposé de faire une anatomie exacte.




LE PROBLÈME DE L’ÉLÉMENT


Pour montrer l’enchevêtrement des divers procédés de pensée et d’expérience, abordons immédiatement le problème des éléments. À quoi sont dues les variétés apparentes ou réelles présentées par la matière ? La matière est-elle formée d’une étoile unique ? Ou bien au contraire, peut-on parler d’éléments, de principes premiers, de corps simples qui par leurs mixtions diverses formeraient les corps usuels que nous connaissons et qui sont le point de départ des travaux de laboratoire… Ces questions qui depuis la plus haute antiquité avaient été l’objet des méditations des philosophes et des chimistes, Lavoisier les rencontre à son tour ; il observe tout de suite que les éléments d’Aristote comme ceux de la Renaissance ont été imaginés avant l’existence même de la science expérimentale ; ces sortes d’éléments ne subsistent dans les préfaces des ouvrages contemporains de chimie que par suite d’un anachronisme dû à la survivance de traditions respectées dont le prestige effectif est

    incohérences et les illogismes qu’elle a judicieusement dénoncés étaient des tares véritables ; pour les faire disparaître la pensée active se met à l’œuvre, modifiant l’orientation de ses recherches et provoquant de nouveaux progrès ; c’est ce qui s’est produit avec Lavoisier ; c’est également ce qui s’est produit après Lavoisier ; nous n’avons pas à signaler ici comment toutes les disparates qu’un examen approfondi révèle dans l’œuvre de Lavoisier ont été à leur tour sources de recherches et de perfectionnements ; contentons-nous de ce court aperçu sur les conditions spirituelles du développement des doctrines scientifiques (voir p. 43).