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Page:Metzger - La philosophie de la matière chez Lavoisier, 1935.djvu/32

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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

du premier »[1] Lavoisier ne voit là qu’une difficulté de la nomenclature ; il propose d’appeler l’acide le moins oxygéné sulfureux le plus oxygéné sulfurique, et d’étendre ce procédé de nomination à tous les cas semblables ; « nous aurons donc également un acide phosphoreux et un acide phosphorique, un acide acéteux et un acide acétique et ainsi des autres[2] ». Seule notre ignorance de la base acidifiable peut créer là des difficultés accidentelles capables d’engendrer des idées fausses ; mais les erreurs peuvent être rectifiées à mesure des progrès de la science. On ignorait que l’acide aériforme découvert récemment et que l’on avait appelé air fixe résulte de la combinaison du carbone et de l’oxygène. Rien ne nous a été plus facile que de corriger et de modifier l’ancien langage en substituant le nom d’acide carbonique à celui d’air fixe.

Mais là surgit une deuxième difficulté ; nous ne connaissons pas encore les bases acidifiables de certains acides ; et nous savons que chez un bon nombre d’acides organiques cette base acidifiable qui fait office de corps simple est elle-même un complexe de corps simples ; nous appelons radical avec Guyton de Morveau le complexe de corps simples qui joue le rôle de « base » des acides ; c’est ainsi qu’avec Scheele et Berthollet nous soupçonnons le radical de l’acide prussique d’être composé de carbone et d’azote ; nous savons que la plupart des radicaux d’acides organiques sont composés de carbone, d’azote, et peut-être de phosphore en proportions variables et caractéristiques pour chacun d’eux.

Si nous revenons aux acides dont nous ignorons encore la base acidifiable et que nous ne sommes pas encore arrivés à scinder en oxygène et radical constituant comme par exemple l’acide du sel marin, nous lui donnerons un nom quand même et attendrons la suite des travaux et des découvertes pour fournir sur ce point une théorie complète.

« Quoiqu’on ne soit encore parvenu, dit Lavoisier, ni à composer, ni à décomposer l’acide qu’on retire du sel marin, on ne peut douter cependant qu’il ne soit formé comme tous les autres, de la réunion d’une base acidifiable avec l’oxygène. Nous avons nommé cette base inconnue base muriatique, radical muriatique, en empruntant ce nom à l’exemple de M. Bergman et de M. Morveau du mot latin Muria

  1. Vol. I, p. 71.
  2. Vol. 1, p. 72.