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CHEZ LAVOISIER

l’ordre de celles que nous concevons comme simples, l’une qui constitue l’acidité et qui est commune à tous ; c’est de cette substance que doit être emprunté le nom de classe ou de genre ; l’autre, qui est propre à chaque acide, qui les différencie les uns des autres ; et c’est de cette substance que doit être emprunté le nom spécifique »[1]. Après avoir expliqué la formation des acides phosphoriques, sulfuriques et carboniques par la combustion du phosphore, du soufre ou du charbon qui se saturent d’oxygène en brûlant, Lavoisier, écrit de même. « On voit que l’oxygène est un principe commun à tous et que c’est lui qui constitue leur acidité ; qu’ils sont ensuite différenciés les uns des autres par la nature de la substance acidifiée. Il faut donc distinguer dans tout acide, la base acidifiable à laquelle M. de Morveau a donné le nom de radical[2], et les principes acidifiant, c’est-à-dire l’oxygène. »

Il conclut ainsi en rendant inextricablement solidaires nomenclature et théorie : « Rien n’est plus aisé d’après les principes posés dans le chapitre précédent, que d’établir une nomenclature des acides : le mot acide sera le nom générique ; chaque acide sera ensuite différencié dans le langage comme il l’est dans la nature, par le nom de sa base ou de son radical. Nous nommerons donc acides en général le résultat de l’oxygénation du phosphore, du soufre et du charbon. Nous nommerons le premier de ces résultats, acide phosphorique, le second acide sulfurique, le troisième acide carbonique. De même dans toutes les occasions qui pourront se présenter, nous emprunterons au nom de la base la désignation spécifique de chaque acide »[3].

Voici qui est clair et même lumineux ; mais immédiatement Lavoisier signale trois faits qui projettent du trouble sinon de l’obscurité sur la théorie précédente et vont obliger le chimiste à l’altérer et à la compliquer ; en premier lieu, les corps simples qui font fonction de base des acides ont plusieurs degrés de saturation et forment par leurs oxydations diverses plusieurs acides différents. Le soufre combiné avec un peu d’oxygène donne « un acide volatil d’une odeur pénétrante et qui a des propriétés particulières. Une plus grande proportion d’oxygène le convertit en un acide fixe et pesant, sans odeur et qui donne dans les combinaisons des produits fort différents

  1. Vol. 1, Discours préliminaire, p. 21.
  2. Vol. I, p. 69.
  3. Vol. I, p. 70.