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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

tances chimiquement encore mal connues ; des trois alcalis qui sont la potasse, la soude et l’ammoniaque un seul a été décomposé. Dès 1784 Berthollet montra que 1000 parties d’ammoniaque sont composées de 807 parties d’azote et de 193 d’hydrogène. Lavoisier considère la potasse et la soude provisoirement comme des substances simples. Se guidant pourtant sur l’analyse de Berthollet, il risque timidement une hypothèse les concernant quand il écrit avec la plus grande prudence : « On ne connaît pas mieux jusqu’ici les principes constituants de la soude que ceux de la potasse… L’analogie pourrait porter à croire que l’azote est un des principes constituants des alcalis en général, et on en a la preuve à l’égard de l’ammoniaque…, mais on n’a relativement à la potasse et à la soude que de légères présomptions qu’aucune expérience décisive n’a encore confirmées »[1].

Sur les quatre terres indécomposées qui sont la chaux, la magnésie la baryte et l’alumine, Lavoisier n’a pas grand chose d’assuré à dire ; il fait d’abord simplement observer que si ces terres et les alcalis entrent directement dans la composition des sels, les métaux ont préalablement besoin d’être oxydés pour pouvoir se combiner avec les acides, en d’autres termes pour devenir bases salifiables. Ceci établi et prouvé permet certains prolongements doctrinaux. « L’oxygène, écrit alors Lavoisier est donc le moyen d’union entre les métaux et les acides ; et cette circonstance qui a lieu pour tous les métaux comme pour tous les acides pourrait porter à croire que toutes les substances qui ont une grande affinité avec les acides contiennent de l’oxygène. Il est donc assez probable que les quatre terres salifiables que nous avons désignées ci-dessus contiennent de l’oxygène et que c’est par ce latus qu’elles s’unissent avec les acides. Cette considération semblerait appuyer (l’hypothèse), que ces substances pourraient bien n’être autre chose que des métaux oxydés avec lesquels l’oxygène a plus d’affinité qu’il n’en a avec le charbon, et qui par cette circonstance sont irréductibles. Au reste ce n’est ici qu’une conjecture que des expériences ultérieures pourront seules confirmer ou détruire. »[2].

Arrêtons-nous là un instant ; les observations précédentes nous font pénétrer plus avant dans l’orientation d’esprit de Lavoisier.

  1. Vol. I, p. 170.
  2. Vol. I, p. 180.