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CHEZ LAVOISIER


APPENDICE SUR LA DESTRUCTION DU PHLOGISTIQUE ET LA THÉORIE DE LA COMBUSTION




À la lumière des résultats acquis, jetons encore un regard sur les phases psychologiques ou logiques de la pensée de Lavoisier lors de la révolution chimique ; rappelons d’abord que le phlogistique que Lavoisier a combattu n’était rien d’autre qu’un élément porteur de la combustibilité, s’échappant d’ailleurs des corps brûlants qui deviennent dès qu’ils en sont privés, incombustibles[1].

Lorsque Lavoisier mit enfin hors de doute, que les corps qui tous émettent de la chaleur en brûlant, qui tous augmentent de poids en brûlant, doivent tous enfin cet accroissement de substance au principe oxygène contenu dans le gaz oxygène, il lui fut désormais impossible de continuer à croire que les combustibles renferment obligatoirement en leur composition un même élément porteur de la combustibilité ; ces corps ont bien en commun certaines propriétés, ainsi que des affinités les unes pour les autres qui résultent de leur commune affinité pour l’oxygène[2] ; mais ce principe de la combustibilité (ou si l’on veut ce phlogistique débaptisé) fut transporté du corps combustible au corps comburant et devint partie intégrante du gaz oxygène[3].

Lors de toute combustion, le gaz oxygène est décomposé ; le principe oxygène que nous ne connaissons pas à l’état libre se fixe sur le corps combustible et le transforme en corps brûlé ; la chaleur se dissipe dans l’atmosphère et fait monter les thermomètres. Ainsi la matière de la chaleur ou calorique de la nouvelle terminologie, s’identifie à la

  1. Nous n’insistons ici ni sur la doctrine originelle de Stahl, ni sur toutes les opinions émises par les contemporains de Lavoisier. Signalons qu’en 1782, Watson donna un excellent exposé de l’hypothèse du phlogistique telle que Lavoisier la combattit dans ses chemical essays. (Vol. I, p. 167).
  2. « Les substances combustibles étant en général celles qui ont une grande appétence pour l’oxygène, il en résulte qu’elles doivent avoir de l’affinité entre elles, qu’elles doivent tendre à se combiner les unes avec les autres…, et c’est ce qu’on voit en effet ». (Vol. I, p. 116).
  3. Bien que nous nous soyons fait une loi de ne pas citer les différents mémoires de Lavoisier où l’on pourrait suivre la formation historique de sa doctrine nous ne pouvons résister au plaisir de mettre sous les yeux des lecteurs un passage des opuscules physiques et chimiques parus en 1773, passage sur lequel M. Pierre Brauman a bien voulu attirer notre attention, car la marche de sa pensée s’y dessine en pleine lumière. « S’il était permis de se livrer aux conjectures, je dirais que quelques expériences, qui ne sont pas assez complètes pour pouvoir être soumises aux yeux du public, me portent à croire que tout fluide élastique résulte de la combinaison d’un corps quelconque, solide ou fluide, avec un principe inflammable, ou peut-être même avec la matière du feu pur, et que c’est de cette combinaison que dépend l’état d’élasticité ; j’ajouterais que la substance fixée dans les chaux métalliques et qui en augmente le poids, ne serait pas à proprement parler, dans cette hypothèse, un fluide élastique, mais la partie fixe d’un fluide élastique qui a été dépouillé de son principe inflammable. Le charbon alors, ainsi que toutes les substances charbonneuses employées dans les réductions, aurait pour principal objet de rendre au fluide élastique fixé par le phlogistique, la matière du feu, et de lui restituer en même temps l’élasticité qui en dépend ».

    Ce sentiment, quelque éloigné qu’il paraisse de celui de M. Stahl, n’est peut-être pas incompatible avec lui ; il est possible que l’addition du charbon dans les réductions métalliques remplisse en même temps deux objets : 1o celui de rendre au métal le principe inflammable qu’il a perdu ; 2o celui de rendre au fluide élastique fixé dans la chaux métallique, le principe, qui constitue son élasticité…