Page:Metzger - Les concepts scientifiques, 1926.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
INTRODUCTION GÉNÉRALE

contact, avons-nous véritablement voulu ordonner ou classer ? Nous sommes-nous un instant proposé de remplacer le chaos qui nous était primitivement apparu par un ordre artificiel et harmonieux ? Ou plutôt, en imaginant nos concepts, en les affirmant, ne croyons-nous pas avoir appris sur le réel quelque chose que précédemment nous ignorions ? Sans doute, les avantages pratiques que nous retirons de l’effort spontané de notre intelligence sont-ils immenses et permettent-ils de guider notre action ; mais est-ce pour les obtenir que nous avons travaillé, ou bien nous ont-ils été offerts, pour ainsi dire, par surcroît ?

Sans vouloir faire appel à notre conviction intime, la lecture d’ouvrages scientifiques anciens ou modernes nous ferait apercevoir, semble-t-il, que, dès que l’homme a abandonné l’attitude sceptique et critique qu’une réflexion sur sa propre pensée a pu lui inspirer un instant, dès qu’il poursuit ses recherches, il admet de nouveau, avec une sorte d’allégresse, que les suppositions instinctives qui ont engendré ou qui sont engendrées par ses concepts généraux le renseignent véritablement sur la nature des choses[1].

Mais une telle démonstration par le fait serait jugée incomplète ; ne tentons donc pas de la fournir, puisque les adversaires de nos opinions auraient à faire valoir contre elle des arguments sérieux, aussi impossibles d’ailleurs à réfuter qu’impuissants à établir leur propre thèse. Ne pourraient-ils pas, surtout, refuser toute confiance aux exemples que nous citerions à l’appui de notre doctrine, en les déclarant arbitrairement choisis en vue d’une solution voulue ? Supposons le problème résolu, et ayons la grande

  1. M. Meyerson a bien souvent attiré l’attention sur ce fait.