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Développement de la philosophie mécanique

en entier, et, autour des particules des corps visibles, se meuvent des particules encore beaucoup plus petites de matière subtile qui en occupent les interstices. Nous ne pouvons concevoir l’existence d’une molécule isolée ; par suite, il n’est pas légitime de parler d’un corps, quel qu’il soit, sans le replacer dans le milieu environnant qui contribue à le former ! Ce caractère fondamental des théories cartésiennes habitua les savants à examiner chaque corps en fonction des autres corps et, de proche en proche, en fonction de l’Univers. Redi, sous l’influence de cette nouvelle manière de voir, écrivit son ouvrage sur les « êtres vivants, enfermés dans d’autres êtres vivants » où il explique par une mécanique minutieuse comment les animaux se nourrissent et s’accroissent au dépend de l’extérieur… et son ami Sténon fit paraître sa célèbre dissertation, dont le titre seul est un programme, « sur les corps solides enfermés par la nature dans d’autres corps solides »[1].

Un autre trait caractéristique des hypothèses cartésiennes, qui semble psychologiquement la conséquence de celui-ci, est qu’il leur est impossible de séparer la description des corps naturels de l’histoire de leur formation ! Sténon a posé à la science le problème ambitieux suivant : « Un corps figuré d’une certaine manière et formé par la nature étant donné, trouver dans ce corps même les indices

  1. Voir COL. 4.