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Page:Meulan - Essais de litterature et de morale.djvu/12

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LETTRE

D’UNE FEMME D’UN CERTAIN AGE,

AU RÉDACTEUR DU PUBLICISTE.



J’ai soixante ans accomplis ; j’en ai par conséquent employé cinquante à me former des habitudes et dix à tâcher de les perdre. Je n’en puis commencer de nouvelles ; cependant mon âge a besoin d’habitudes.

Naturellement indulgente et optimiste, je ne trouve aucun plaisir à récapituler les maux de la révolution, à fronder le gouvernement, à tonner contre le scandale des mœurs et l’indécence des modes. C’est, il est vrai, la consolation des gens de mon âge ; dieu me garde de le leur reprocher ; mais ce qui les console, m’afflige. Il faut donc que je fuie leur société : cependant la société m’est nécessaire. Irai-je rechercher celle des jeunes gens ? Elle ne peut plus m’offrir qu’un spectacle ; et quel spectacle encore ? Ce que nous appellions la galanterie, est, dit-on, passé de mode ; je ne prononcerai pas à cet égard : comment serois-je en état de juger entre la galanterie dont j’étois